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Bonjour à tous,

Depuis six mois, nous assistons à une course effrénée.
Washington, Pékin et Bruxelles se disputent le monopole de l’intelligence artificielle.

Chaque bloc estime détenir la stratégie gagnante : dérégulation totale côté américain, pilotage étatique pour la Chine, et priorité à la précaution pour l’Europe.

Si vous êtes dirigeant, juriste ou investisseur, vous ne pouvez plus vous contenter de suivre l’actualité en surface.

Il faut comprendre ce que chaque modèle de gouvernance implique concrètement et termes de risques et d’opportunités.

Analysons tout ça ensemble.

Arnaud

Les États-Unis : la vitesse sans la ceinture

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’une promesse simple : « Make AI Great Again ».

Concrètement ?

Suspension de l’Executive Order Biden, abrogation des lignes directrices de la NIST, crédits d’impôt massifs pour les centres de données, et un mot d’ordre : dérégulation.

Il faut admettre que le résultat est spectaculaire.

Les levées de fonds IA ont bondi de +68 % au premier trimestre 2025, et OpenAI parle déjà d’un nouveau modèle, GPT-5, “qui s’améliore en autonomie”.

Sauf que côté juridique, c’est la roulette russe.

Exemple : le projet de loi SAFE Innovation Act, qui prévoyait un devoir de transparence minimal pour les gros modèles, est rangé dans un tiroir.

Ou encore du changement au niveau de la Federal Trade Commission, qui n’a désormais plus le droit de réclamer le code source d’un modèle, sauf mandat judiciaire.

Mais surtout, aucune contrainte d’audit indépendant sur la sécurité des IA n’est imposée aux entreprises.

Elles sont déchargées au maximum de toute entrave et de leurs responsabilités.

À tel point que chaque contrat cloud inclut désormais un paragraphe « Hallucination & Data Poisoning ».

Traduction : en cas de fuite ou de sabotage de votre modèle, vous êtes seul responsable devant vos clients et vos actionnaires.

Sauf que cette marche des Etats-Unis est forcée.

Ils ont tout intérêt à accélérer la cadence de leur innovation, parce que la Chine pourrait être en train de les rattraper.

La Chine : une cage dorée et opaque

À Pékin, l’IA est classée technology of strategic importance.
C’est-à-dire qu’elle relève directement du Conseil d’État.

Concrètement, tous les modèles de grande taille doivent obtenir un « permis de sécurité algorithmique ».

Résultat : le cadre législatif chinois est clair, unifié, et garanti un accès aux appels d’offres publics sur le territoire.

Mais la médaille a un revers.

Les LLM chinois doivent passer un test de conformité idéologique.
L’autocensure est intégrée au cœur du code.

En plus, le pays veut rester propriétaire de ses technologies, qu’ils ont dû développer en partant quasiment de zéro à cause de l’embargo américain.

Le Bureau du Cyberespace interdit d’exporter les modèles à l’étranger sans en brider la performance.

Impossible, donc, pour une multinationale installée à Shanghai d’utiliser son propre modèle aux États-Unis.

Juridiquement, elle doit en entraîner un second, moins performant.
Et pour les entreprises européennes implantées en Asie, c’est le casse-tête.

Soit elles se plient à cette législation en utilisant des versions sous-optimales, soit elles s’exposent à des sanctions administratives.

Bref, dans ce bras de fer entre deux géants, notre Europe est encore en train de se chercher.

Mais peut-être que nous prenons un peu trop notre temps.

Une Europe indécise

L’AI Act, voté en février, suit une logique inverse : plus le risque est élevé, plus la contrainte est forte.

Les modèles devront publier un résumé de leurs données d’entraînement, mener des audits externes et assumer une responsabilité en cas de dommages avérés.

Sur le papier, c’est rassurant pour les utilisateurs.
Sauf que dans les faits, il pourrait s’agir d’une balle dans le pied.

L’European Tech Alliance estime à 1,4 million € par an le prix de la conformité pour un modèle « high-risk ».

Un frein potentiel à la compétitivité pour nos jeunes pousses.
Surtout que chaque État peut créer sa propre autorité de contrôle.

Nous pourrions alors nous retrouver avec 27 interprétations différentes d’une même régulation au lieu d’un guichet unique clair.

Enfin, un délai de neuf à douze mois est requis entre le prototype et la mise sur le marché, quand les États-Unis n’en demandent que trois.

L’Europe joue la sécurité juridique, mais risque de voir l’innovation partir ailleurs.

Pourtant, des passe-droits existent : le sandbox réglementaire prévu par l’article 53 pourrait devenir un laboratoire d’expérimentation sans pénalité financière.

Encore faut-il que les start-ups osent s’y inscrire et que les régulateurs ne noient pas l’initiative dans des démarches labyrinthiques.

Que retenir ?

L’IA n’a pas besoin d’être dérégulée ; elle a besoin d’être clarifiée.
Trop de règles tuent la concurrence, pas assez de règles tue la confiance.

  1. Même dans un environnement laxiste, prévoyez un système d’audit interne, un registre d’incidents et des tests adverses réguliers. Vous protégerez votre réputation et vos futures levées de fonds.

  2. Dans les contrats cloud, imposez une clause « mirror model » : si la loi d’un État bloque l’export du modèle, le fournisseur doit en fournir un équivalent hébergé sur votre territoire.

  3. Oui, l’AI Act est lourd, mais le sandbox vous offre un gel des sanctions pendant la phase pilote. Un passeport rare pour tester sans craindre la DGCCRF.

  4. 80 % des attaques IA viennent du data poisoning. Exigez systématiquement une provenance documentée des jeux de données.

La dérégulation américaine séduit, mais elle déplace la charge du risque sur l’entreprise. La rigidité chinoise rassure l’État, mais confisque la propriété intellectuelle.

Le modèle européen, lui, parie sur la confiance, au risque d’écraser la croissance.
Aucun système n’est parfait pour l’instant, et chacun possède ses failles.

Les champions de demain seront ceux qui sauront démontrer, preuves à l’appui, que leur IA est fiable, traçable et réversible, quel que soit le passeport réglementaire.

Pour vous assurer que votre projet est conforme, je suis à votre disposition pour en parler.

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À très vite,
Arnaud