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Bonjour à tous,
Dirigeants industriels, start-ups, éditeurs SaaS, tous me posent la même question :
Concrètement, qu’est-ce que cet accord transatlantique change pour nous ?
J’ai relu les éléments communiqués, comparé avec ce qui se pratique dans les accords commerciaux “modernes”, et j’ai la même sensation qu’eux.
L’Europe a négocié comme si nous étions un petit marché, pas un bloc de 450 millions de consommateurs avec une puissance normative unique au monde.
Pire, on a signé alors que notre seul vrai levier aurait pu faire bouger la ligne.
Je vous explique pourquoi.
Arnaud

Ce que l’accord change vraiment

On ne parle pas seulement de droits de douane.
Ce type de traité a trois briques classiques :
1) L’accès au marché.
On baisse des barrières pour que les entreprises vendent plus facilement de part et d’autre.
2) L’énergie.
On s’engage sur des volumes (par exemple du gaz liquéfié américain) avec des prix et des contrats longs.
3) Le numérique.
On force les données à circuler librement entre les pays et on proscrit toute règle qui “discriminerait” un service numérique étranger.
Sur le papier, ça a l’air fluide, simple et bon pour les affaires.
Mais en pratique, ça peut neutraliser nos outils juridiques.
Aujourd’hui, un hôpital français peut exiger un hébergement européen.
Les données de santé sont stockées en Europe, le chiffrement est sous contrôle local.
Sauf que demain, si le chapitre numérique de l’accord interdit la localisation “sauf raison impérieuse”, tout se jouera dans la rédaction de la dite exception.
Si elle est vague, chaque exigence de souveraineté sera attaquée au nom du libre flux.
Souveraineté et droit : un rapport direct
La souveraineté, c’est la capacité effective à écrire des règles applicables chez soi et à les faire respecter.
En Europe, notre force est précisément juridique : nous imposons des normes.
Le RGPD en est l’illustration parfaite.
Le monde s’est aligné pour continuer à commercer avec nous.
Et quand l’Union signe un accord qui limite ses propres marges de manœuvre réglementaires sur le numérique, elle brade sa puissance.
Le droit est l’outil opérationnel de la souveraineté.
Par le contrat, par la norme, par la sanction.
En limitant cet outil, notre souveraineté en pâtit par ricochet.
Pourtant, je suis pro-Europe. Mais une Europe utile, ancrée dans le réel, c’est celle qui protège ses citoyens sans s’interdire de s’ouvrir.
Ici, on oublie les citoyens sous prétexte d’ouverture.
Et ça pourrait nous coûter cher.
Pourquoi l’Europe perd au change et comment réagir ?
Ce qui me sidère, c’est ce renoncement à utiliser notre levier principal : l’accès au marché.
Les GAFAM et les grands fournisseurs américains tirent l’essentiel de leur croissance et de leurs données chez nous.
Nous pouvions exiger des contreparties concrètes.
Réciprocité d’accès aux marchés publics numériques, clauses miroir sur la protection des données, capacité d’audit réelle des modèles d’IA déployés chez nous…
Mais nous avons préféré “apaiser” la situation rapidement.
Conséquence : un afflux de produits et services américains, pendant que nos propres acteurs continueront de devoir composer avec des boulets réglementaires.
Parce que quand le droit devient asymétrique, l’économie suit.
Alors que faire à votre niveau pour limiter les dégâts ?
D’abord, on contractualise notre souveraineté.
Inscrivez des exigences de localisation adéquatement justifiées, un chiffrement sous contrôle exclusif, et des audits comme conditions essentielles avec voies de sortie.
Un traité commercial ne vous empêche pas de négocier des garanties privées robustes.
Ensuite, il faut structurer la preuve.
Registre d’accès aux données, journalisation des flux transfrontaliers, traçabilité de l’entraînement IA, et enfin évaluation d’impact.
C’est ce qui permet, demain, de tenir devant un juge ou un régulateur et d’éviter que la “libre circulation des données” devienne la porte ouverte à n’importe quoi.
Bref, cet accord affaiblit notre rapport de force juridique au moment précis où le numérique absorbe toute l’économie.
La souveraineté n’est pas un slogan : c’est une architecture de règles et de contrats qui protègent votre capacité à décider.
Si nous signons des textes qui réduisent cette capacité, nous paierons en compétitivité, en sécurité et en dépendance.
Agissez à votre niveau juridique tout de suite et poussez pour des exceptions explicites dans chaque cahier des charges public.
Si vous voulez en discuter, je peux vous aider à bâtir des garde-fous qui résistent à la fois au marché et au traité.
Préférez-vous une Europe qui écrit ses règles, au risque d’aller moins vite ?

Merci d’avoir lu L’Avis d’Arnaud, à très vite !
Arnaud