Si vous travaillez dans le conseil juridique ou financier, vous savez que 2025 marquera un tournant décisif pour tous les professionnels traitant des crypto-actifs.
L’entrée en vigueur complète du règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets) entraînera une refonte des pratiques et des obligations.
De la définition juridique des crypto-actifs jusqu’à l’obtention de l’agrément PSCA, la nouvelle réglementation impactera fortement votre activité.
Aujourd’hui, nous vous proposons un tour d’horizon des principaux changements et de leurs implications concrètes pour mieux vous préparer à ce cadre réglementaire en pleine évolution.
Le règlement MiCA (UE 2023/1114) est né d’une volonté de l’Union européenne d’harmoniser et de sécuriser le marché des crypto-actifs.
Jusque-là, chaque État membre disposait d’un cadre plus ou moins autonome (comme le régime PSAN en France).
Avec MiCA, Bruxelles veut éviter une mosaïque de régulations, tout en renforçant la confiance des investisseurs et en prévenant les risques systémiques.
Les crypto-actifs sont juridiquement définis comme des représentations numériques d’une valeur ou d’un droit, non émises ni garanties par une banque centrale ou un État.
On distingue notamment :
Jetons représentatifs : reflétant un droit (ex. : droit de vote, droit d’usage d’un service)
Crypto-monnaies : comme le Bitcoin ou l’Ether, souvent perçues comme moyens d’échange
NFT (Non-Fungible Tokens) : pièces uniques ou en série limitée, en principe exclus du cadre de MiCA sauf s’ils se rapprochent d’autres catégories déjà réglementées
Avant 2025, la France disposait de son propre système : le statut de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN), instauré par la loi PACTE.
Désormais, avec MiCA, le concept de “Prestataire de Services sur Crypto-Actifs” (PSCA) va s’appliquer à toute l’Europe.
L’un des atouts majeurs de MiCA est de créer un passeport européen : en obtenant l’agrément PSCA dans un État membre, un prestataire pourra exercer dans toute l’Union sans avoir à passer par d’autres procédures nationales.
Date clé : Mars 2025 marque la fin de la période transitoire et le début de l’application intégrale de MiCA.
Exclusions : Certains cas spécifiques restent hors du champ (finance décentralisée, NFT exclusifs, etc.), mais la Commission européenne se réserve le droit de réintégrer ou de clarifier ces points lors de futures révisions.
En pratique, cette harmonisation signifie que les acteurs déjà enregistrés comme PSAN en France vont devoir se conformer aux nouvelles règles PSCA à l’échelle européenne et, surtout, pourront ainsi bénéficier d’un accès élargi au marché communautaire.
MiCA recense 10 types de services devant obtenir l’agrément PSCA, couvrant toute la chaîne de valeur :
Conservation (custody) : garde des crypto-actifs pour le compte de tiers
Échange (crypto/fiat et crypto/crypto)
Exploitation de plateformes de négociation
Réception et transmission d’ordres
Exécution d’ordres pour le compte de tiers
Gestion de portefeuille (crypto-actifs pour compte de tiers)
Conseil sur crypto-actifs
Placement garanti ou non garanti
Prise ferme d’émission de crypto-actifs
Fonction de tenue de marché sur crypto-actifs (quand applicable, selon le texte final)
Chacun de ces services se voit imposer des exigences spécifiques en matière de gouvernance, de fonds propres, de contrôle interne et de cybersécurité. Cette liste souligne la volonté de MiCA d’encadrer l’ensemble des prestations liées aux crypto-actifs, y compris celles qui n’étaient pas toujours considérées comme “sensibles” dans certains États membres.
La grande nouveauté de MiCA réside dans l’introduction d’une réglementation explicite pour les activités de conseil en crypto-actifs.
Avant : En France, un cabinet pouvait se limiter au statut de Conseiller en Investissements Financiers (CIF), voire exercer sans autorisation spécifique pour les crypto-actifs, tant qu’il ne manipule pas directement les fonds des clients.
Désormais : Le conseil (recommandations personnalisées) devient un service réglementé, nécessitant un agrément PSCA “Conseil” ou l’intégration dans une structure qui possède déjà cet agrément.
Période transitoire : Les CIF en place avant fin 2024 pourront continuer jusqu’à mi-2026 sans nouvel agrément, mais devront tôt ou tard migrer vers le cadre PSCA.
Le service de conservation est particulièrement surveillé. Les prestataires devront :
Mettre en place des procédures de sécurisation des clés cryptographiques robustes,
Souscrire à une assurance RC Pro adaptée,
Garantir un système de contrôle interne limitant les risques de fraude ou de vol (ex. : multi-signature, stockage à froid).
Selon des données récentes, plus de 30 millions d’euros de fraudes ont été recensées en France en 2024, un chiffre qui illustre la pression réglementaire pour renforcer la sécurité.
Pour devenir PSCA, un acteur doit :
Constituer un dossier complet : plan d’affaires, procédures AML/KYC, politique de conservation, cybersécurité, gouvernance, etc.
Déposer le dossier auprès de l’autorité compétente nationale (en France : l’AMF). Un délai de trois mois (extensible à six) est prévu pour l’instruction.
Attendre la vérification : l’autorité examine la solidité financière, la compétence des dirigeants, la pertinence du plan d’affaires.
Obtenir l’agrément et profiter du “passeport MiCA” pour opérer dans toute l’UE.
En pratique, la phase de constitution du dossier nécessite l’accompagnement d’experts juridiques et financiers. Les exigences, semblables dans l’esprit à celles du PSAN, deviennent encore plus exigeantes (fonds propres, gouvernance, cybersécurité).
MiCA impose des fonds propres minimums proportionnés à la nature des services fournis. Par exemple :
Un service d’échange crypto/fiat impliquant de gérer des flux financiers importants peut exiger un capital initial plus élevé, voire des garanties bancaires complémentaires.
Les activités de conseil pur, n’impliquant pas de manipulation de fonds, pourraient se voir imposer un seuil de fonds propres plus modeste.
Cette exigence de fonds propres vise à protéger la clientèle en cas de défaillance et à augmenter la résilience du secteur face aux crises de liquidité.
Pour l’agrément PSCA, les autorités exigeront :
Des dirigeants compétents et d’honorabilité reconnue (sans condamnations pénales ou financières récentes),
Une structure de gouvernance claire (organigramme, séparations des fonctions clés, gestion des conflits d’intérêts),
Un plan de continuité d’activité (PCA) pour faire face aux crises,
Des protocoles de cybersécurité (protection des clés, audits réguliers, dispositifs anti-intrusion).
Les incidents de hacking de plates-formes crypto ont montré la nécessité de normes techniques rigoureuses, sous peine de mettre en péril la confiance des investisseurs.
La France a progressivement clarifié le traitement fiscal des crypto-actifs :
Plus-values non professionnelles : soumises au PFU à 30 %
Activité quasi-professionnelle : imposition au barème progressif (BNC ou BIC), majorée de cotisations sociales
Échanges sans soulte : principe de sursis d’imposition, tant qu’il n’y a pas de conversion effective en monnaie fiduciaire
Exonération : sous un certain seuil (305 euros/an) pour les particuliers
En 2025, on n’anticipe pas de révolution fiscale totale. Toutefois, la montée en puissance de MiCA pourrait inciter les autorités à renforcer la traçabilité des transactions, facilitant le contrôle fiscal.
Les FPS (Fonds Professionnels Spécialisés) et FPCI (Fonds Professionnels de Capital Investissement) peuvent investir jusqu’à 20 % de leurs actifs en crypto.
Cela crée une diversification pour les gérants cherchant une exposition mesurée aux actifs numériques,
Les souscripteurs professionnels y voient l’opportunité d’accéder à un potentiel de rendement élevé, malgré la volatilité.
De plus, avec l’harmonisation MiCA, on s’attend à une meilleure reconnaissance de ces véhicules dans tous les États membres, ce qui pourrait dynamiser la création de fonds crypto paneuropéens.
Les NFT, s’ils restent en principe exclus de MiCA (car considérés comme uniques et non fongibles), peuvent être qualifiés de valeurs mobilières ou de crypto-actifs “classiques” si leur structure se rapproche de jetons fractionnés ou interchangeables. En matière fiscale, cela peut entraîner :
Une imposition sur les plus-values identique à celle des crypto-monnaies,
Ou, si le NFT est assimilé à une œuvre d’art, un régime particulier de taxation sur la cession d’objets de collection.
Les professionnels doivent donc examiner chaque cas pour déterminer la bonne qualification juridique, puis fiscale.
Selon les statistiques, la volatilité moyenne annuelle sur les principales crypto-monnaies atteint 70 %. De plus, les délais pour liquider des positions importantes s’allongent (14 jours en moyenne). Les conseillers et avocats doivent donc avertir leurs clients du risque de pertes rapides et du manque potentiel de liquidité en cas de krach.
En 2024, plus de 30 millions d’euros ont été perdus en France dans des fraudes liées aux crypto-actifs. Les autorités insistent sur la vigilance face au démarchage illégal (plateformes non enregistrées ou non agréées, promesses de rendements faramineux). Les professionnels encourent une responsabilité en cas de recommandation d’acteurs non conformes.
Un point crucial : la nécessité de souscrire à une assurance Responsabilité Civile Professionnelle adaptée. Les polices classiques ne couvrent pas toujours les risques spécifiques liés aux crypto-actifs. L’agrément PSCA impose souvent une attestation d’assurance mentionnant explicitement les prestations sur actifs numériques.
MiCA maintient et étend les obligations AML/KYC :
Vérification systématique de l’identité client,
Monitoring des transactions “à risque” (gros montants, provenances suspectes),
Déclarations de soupçon auprès de Tracfin.
Les cabinets qui conseillent ou facilitent des opérations en crypto-actifs doivent s’assurer de disposer d’un protocole solide. Toute carence en la matière peut exposer à des sanctions disciplinaires, financières, voire pénales.
La DeFi, qui fonctionne souvent sans entité centrale identifiée, reste pour l’instant hors du champ direct de MiCA. Toutefois, la Commission européenne envisage une évaluation complète de ce secteur d’ici fin 2025. Les protocoles de prêt, de yield farming ou d’échanges décentralisés pourraient donc faire l’objet d’un nouveau volet législatif.
En clair : si vous conseillez ou opérez dans la DeFi, restez en veille, car un encadrement plus strict n’est pas à exclure.
L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) planche sur des orientations supplémentaires visant à mieux définir quand un NFT devient assimilable à un crypto-actif “fongible”. Les “collections NFT” comportant des milliers d’exemplaires identiques pourraient basculer dans le champ de MiCA si elles remplissent certains critères (interchangeabilité, potentiel spéculatif, etc.).
Conséquence : Les acteurs qui se lancent dans les NFT auront tout intérêt à vérifier la nature précise de leurs jetons pour éviter un repli juridique tardif.
Au niveau du G20 et du Conseil de Stabilité Financière, des discussions sont en cours pour fixer des standards mondiaux :
Limiter les pratiques jugées trop risquées (ex. : levier excessif, stablecoins non adossés).
Éviter l’arbitrage réglementaire entre pays.
L’Europe, précurseur avec MiCA, espère imposer son modèle, mais on peut s’attendre à des ajustements pour aligner MiCA avec les futures règles internationales, en particulier vis-à-vis des stablecoins et des tokens adossés à des actifs (Asset-Referenced Tokens).
Conseil contractuel : Rédiger ou valider les contrats liés aux crypto-actifs, en tenant compte des exigences MiCA (conformité, consentement éclairé, information précontractuelle).
Accompagnement PSCA : Assister les clients dans leurs démarches d’agrément, la rédaction des politiques internes (AML/KYC, gouvernance), et les relations avec l’autorité de régulation nationale.
Contentieux : Prévoir une hausse des litiges. Les plaintes pour pratiques trompeuses, défaut d’information ou non-conformité réglementaire pourraient augmenter.
Transition vers le PSCA “conseil” : Vous devrez actualiser vos statuts, vos procédures internes et démontrer votre compétence technique en crypto-actifs.
Renforcement de la responsabilité : Toute recommandation non conforme ou approximation sur les risques peut engager votre responsabilité civile ou disciplinaire.
Veille technologique : Les crypto-actifs évoluent vite, d’où la nécessité d’une formation continue, en particulier sur les questions de sécurité et de lutte contre la fraude.
Surveillance des nouveaux entrants : Le nombre de demandes d’agrément PSCA pourrait exploser à l’approche de 2025-2026. Les autorités devront garantir une instruction rapide mais rigoureuse des dossiers.
Coordination européenne : Avec MiCA, les régulateurs nationaux renforceront leurs échanges pour éviter que certains acteurs profitent de laxisme dans un État membre et opèrent ensuite dans un autre.
Mise à jour des contrôles : Les pratiques en matière de cybersécurité, de conservation des clés privées et de protection des investisseurs feront l’objet de contrôles ciblés, surtout sur les plates-formes d’échange et de conservation.
Avec l’entrée en vigueur de MiCA, l’Union européenne franchit une étape majeure dans l’encadrement des crypto-actifs. Pour les professionnels du juridique et de la finance, ce texte représente à la fois une opportunité de développer de nouveaux services et un défi réglementaire de taille.
Rappelons que l’harmonisation à l’échelle européenne facilitera le rayonnement des acteurs conformes, grâce au passeport unique PSCA.
Mais encore faut-il se préparer en amont : revoir ses contrats, adapter ses procédures, et former ses équipes.
D’ici la date butoir de 2025, la veille réglementaire s’impose. Certaines zones grises (DeFi, NFT, instruments financiers hybrides) continueront d’évoluer, et mieux vaut anticiper que subir.
À vous de jouer pour saisir les opportunités et limiter les risques !
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