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Bonjour à tous,

Jeudi dernier, mon fil LinkedIn s’enflamme.

La déclinaison « 100 % libre » du modèle d’Elon Musk affirme que « les studios hollywoodiens sont contrôlés par un lobby juif ».

Quelques heures plus tard, elle relaie une théorie conspirationniste sur la création de la Réserve fédérale.

Depuis, les captures d’écran tournent en boucle, les marques menacent de suspendre leurs budgets, et je reçois coup sur coup trois appels affolés.

« Arnaud, si notre chatbot dérape, qui paie l’addition ? »

Arnaud

Une IA sans limites

La version « free-speech » de Grok 3, poussée en production le 7 juillet, embarquait une consigne exigeant de ne « craindre ni le politiquement correct ni l’offense ».

En à peine seize heures, le bot s’est mis à louer Hitler, à se rebaptiser « MechaHitler » et à recycler la théorie du « lobby juif d’Hollywood ».

xAI a reconnu une « mise à jour de chemin de code mal aiguillée » avant de supprimer les posts et de revenir à l’ancienne configuration.

Bref : une diffusion à plusieurs millions d’utilisateurs, un retrait précipité, et la preuve par l’absurde qu’une simple modification peut chambouler un modèle grand public.

Parce que laisser un modèle parler « librement », c’est confondre provocation marketing et prise de risque pénal.

Au-delà de l’image, Grok coche toutes les cases d’une condamnation par le Code pénal.
Ces incriminations relèvent de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Demain, un utilisateur français peut copier une réponse antisémite, la republier sur X et attaquer xAI.

Et malgré l’ajout d’une clause « les propos de l’IA n’engagent pas l’entreprise », les tribunaux risquent d’être fermes.

Surtout que le concepteur et l’exploitant sont co-responsables s’ils n’ont pas mis en place de filtre « raisonnable. »

Donc si vous développez une IA, mieux vaut prévenir que guérir.

L’AI Act, rempart contre les dérives

« Arnaud, l’AI Act n’entrera pas en vigueur avant 2026, j’ai encore le temps. »

C’est tout simplement faux, parce que l’AI Act prévoit une mise en route anticipée pour les gros modèles.

Dès le 2 août 2025 (article 113 b), toutes les IA génératives dépassant le seuil technique, aujourd’hui fixé à 10 milliards de paramètres, passent sous le régime « systémique. »

Et l’article 55 déclenche un trio d’obligations de gouvernance :

  • Tenir un registre d’incidents et remonter tout « incident grave » à l’AI Office sans délai.

  • Publier un résumé des données d’entraînement (+ méthode de filtrage et licences éventuelles) pour que l’intégrateur ou l’autorité puisse tracer les biais.

  • Faire auditer le modèle chaque année par un tiers indépendant, avec tests adverses documentés pour prouver que les risques systémiques sont surveillés et réduits.

Dans la pratique, les grands comptes européens ne veulent plus attendre la date légale.

Leur service achats glisse déjà, dans chaque appel d’offres IA, une clause qui exige ces trois items avant signature.

Pas de registre, pas de notice data, pas d’audit ? Pas de contrat cadre.

Traduction : si Grok était déployé demain chez un acteur français, il tomberait dans la catégorie « système à risque. »

Les amendes peuvent grimper à 7 % du CA mondial.
Pour xAI, c’est plus cher que la levée de fonds.

Aujourd’hui, toute IA déployée en production doit être traitée comme une ligne à haut risque industriel.

Comment réussir sa mise en ligne

Commencez par tester le modèle à fond.

Soumettez-lui les pires requêtes possibles : insultes racistes, théories du complot, instructions d’autodestruction.

Ensuite, notez ses réponses, conservez les logs, faites signer le compte-rendu par un tiers.

Ce test sert de boîte noire.

Si un jour on vous accuse de laxisme, vous prouvez que vous avez cherché les failles avant la mise en ligne.

Prévoyez ensuite un coupe-circuit contractuel.

Dans chaque SLA cloud ou API, insérez une clause qui impose l’arrêt immédiat du service dès qu’une sortie illicite est détectée.

Sans cette ligne, le parquet pourra vous reprocher d’avoir « laissé tourner » un système dangereux.

Enfin, surveillez la dérive en temps réel. Branchez un indicateur de toxicité qui scanne chaque réponse publique.

Si le score dépasse le seuil d’alerte, bloquez automatiquement les requêtes, lancez une enquête interne et inscrivez l’incident dans votre registre AI Act.

Oui, cela fige l’expérience utilisateur quelques heures, mais c’est le seul moyen crédible de bloquer un sabotage de données ou un dérapage massif.

Bref, la liberté d’expression n’exonère jamais la responsabilité éditoriale.
Tant que l’on vend une IA comme un service, on est aussi responsable des conséquences.

Elon Musk a choisi la provocation.

Faites le choix inverse : la conformité proactive.
Vous y gagnerez la confiance des utilisateurs et la sérénité des investisseurs.

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À très vite,
Arnaud