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Bonjour à tous,

En voulant se bâtir une forteresse réglementaire, Bruxelles a verrouillé la porte depuis l’extérieur.

À mon avis, si l’UE ne revient pas sur certaines de ses décisions, elle restera spectatrice d’une révolution qui se joue déjà entre Washington, Singapour et Dubaï.

Arnaud

Une histoire qui nous échappe

J’ouvre l’actu : trois nouveaux projets “stablecoins euro” viennent d’être délocalisés à Hong Kong.

Au même moment, le Sénat américain annule le GENIUS Act, continuant dans sa démarche de dérégulation totale pour favoriser l’innovation.

Et cette stratégie finit par attirer des capitaux.

Mais pas seulement aux États-Unis : Singapour et la région du Golfe gagnent aussi en attractivité, grâce à un processus de validation de projet crypto rapide.

Pourquoi l’Europe accumule-t-elle autant de retard ?

La réponse tient en un mot : MiCA. Un règlement pensé pour protéger, qui risque surtout de nous exclure du marché à 3 000 milliards de dollars des crypto-actifs.

Le paradoxe MiCA : protéger jusqu’à l’asphyxie

Commençons par donner à MiCA le crédit qu’il mérite.

Certains volets du règlement, comme ceux applicables aux utility tokens, constituent une avancée significative en termes de lisibilité réglementaire.

Malgré tout, les effets retors sont nombreux.
En Europe, lancer un stablecoin adossé à l’euro revient à courir un marathon en armure.

D’abord, Bruxelles exige des réserves financières surdimensionnées.
Chaque jeton doit être couvert presque à 110 %, là où 100 % suffiraient déjà.

Ensuite, les émetteurs doivent passer dans un labyrinthe procédural : celui du droit bancaire et celui de la crypto.

Sauf qu’en plus, les plafonds d’émission sont tellement bas que tout projet ambitieux doit se brider d’entrée.

Et l’interdiction de verser le moindre rendement décourage l’épargnant.
Résultat : les talents et les capitaux filent hors UE.

Et Circle, Tether et Binance, tous situés hors de l’Union, continueront de dominer le marché pendant que l’UE brandira la sacro-sainte “souveraineté” sans jamais l’incarner.

Nos concurrents internationaux n’ont plus qu’à profiter de la brèche.

Le miroir américain et asiatique

Aux Etats-Unis, le GENIUS Act vient d’être torpillé.
Juridiquement, c’est le flou total.

Pourtant, le marché s’emballe.

Volumes record, nouveaux tokens (parfois à l’effigie de Donald Trump) et investisseurs toujours plus nombreux.

Les Américains appliquent leur recette habituelle : laisser innover massivement, regarder ce qui marche puis réguler même si cela suppose quelques crises en chemin.

Même constat côté asiatique.

Pendant que l’Europe fait passer un même dossier par cinq autorités nationales, Singapour et Hong Kong proposent un guichet unique.

Une licence peut être obtenue en moins de 6 mois sur leurs territoires.

À cela s’ajoute une fiscalité limpide. Zéro impôt sur les plus-values extraterritoriales à Singapour et une marge de manœuvre laissée à l’expérimentation DeFi.

Ces hubs n’ont pas peur de faire des expériences et de prendre des risques, faisant de l’innovation une priorité stratégique d’Etat.

Et ça leur apporte beaucoup.

Heureusement, quelques projets souvent méconnus apportent de l’espoir à notre écosystème européen.

L’espoir européen

D’abord, le crédit lombard crypto.

Depuis le 30 avril, la loi d’adaptation au droit européen autorise officiellement le nantissement de crypto-actifs pour emprunter en euros.

Pour mes clients HNWI (high-net-worth individuals) qui refusaient de vendre leurs BTC à cause de la flat tax, c’est un vrai game-changer.

Seule ombre au tableau : tant que le décret d’application n’est pas publié, le fisc pourrait encore assimiler l’opération à une cession imposable.

Vigilance, donc, mais la porte est enfin ouverte.

Dans le même élan, MiCA réserve une bonne surprise aux Utility Tokens.

Avec un white paper conforme, une notification à l’AMF et un passeport européen en poche, un projet peut désormais commercialiser son token dans les 27 pays membres.

Traduction : si votre jeton sert d’accès à un service, inutile de filer à Dubaï. L’Europe devient soudainement le terrain de jeu le plus lisible.

Enfin, la jurisprudence blockchain se muscle côté tribunaux.

À Lyon, un juge a obligé un PSAN à lever le KYC et geler des wallets pour traquer une fraude. Priorité absolue à la protection des victimes.

À Marseille, la blockchain a été reconnue comme preuve d’antériorité dans un litige de mode.

Preuve que l’Europe est capable d’innover parfois plus vite aux tribunaux que dans ses projets de loi.

Et pour la suite ?

Notre vieux continent doit déjà desserrer MiCA sur les stablecoins.

Relever les plafonds, autoriser un rendement minimal et confier la supervision unique à l’ESMA pour éviter 27 interprétations différentes.

Côté fiscalité, il devient urgent d’aligner la flat tax crypto sur celle des actions ou, à défaut, instaurer un sursis d’imposition tant qu’il n’y a pas de vente.

Mais surtout, il nous faut du dialogue.

Une table ronde entre DeFi, banques centrales et autorités RGPD pour adapter les textes aux avancées nous mettrait dans la bonne voie.

En clair : moins d’obstacles, plus d’expérimentation encadrée. Sans ce virage, l’Europe restera spectatrice d’une révolution monétaire qui se joue déjà ailleurs.

À court terme, entre calendrier électoral européen et prudence des banquiers centraux, la probabilité d’une MiCA 2.0 flexible reste faible.

Mais si la BCE veut que l’euro numérique survive face à des stablecoins dollar déjà universels, elle n’aura pas le choix.

L’Europe dispose des meilleurs ingénieurs, d’une épargne colossale et d’un marché d’un demi-milliard de citoyens.

Elle peut encore rattraper son retard, à condition de troquer sa peur du risque pour une culture de l’innovation.

Mon conseil : préparez vos dossiers dès maintenant.
Le jour où Bruxelles desserrera la vis, les places seront chères.

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À très vite,
Arnaud