Bonjour à tous,

Entre slogans politiques sur le travail, tentations de surveillance fiscale sur les actifs numériques, et régulation inapplicable, la semaine a été dense.

Au menu : travailler 15h/semaine, stablecoins d‘“extrême droite”, l’épargne attaquée, la fin des portefeuilles auto-hébergés, et régulation des plateformes.

ON DECRYPTE ENSEMBLE

LE DEBUNK

On passe en revue les citations chocs de la semaine.

La semaine de 15 heures

Il faut passer la durée légale du travail de 35 heures à 15 heures par semaine.

Aymeric Caron

Sur le papier, ça peut faire rêver. Ça crée un effet d’annonce. Ça déplace la fenêtre d’overtone.

Mais ça s’arrête là.
Parce que dans l’économie réelle, cette annonce a des conséquences.

Retirer 57 % du temps de travail, ça oblige à choisir entre 3 issues douloureuses.

  • Produire moins, donc baisser le niveau de vie.

  • Produire autant, donc augmenter la productivité dans tous les secteurs.

  • Maintenir salaires et production, donc embaucher massivement et financer la facture.

La durée légale de travail n’est pas un symbole.

Elle est la charpente du temps de travail.
Faire de 15h la règle signifie déplacer toutes les échelles.

Des heures supplémentaires aux majorations, accords collectifs et modifications contractuelles en passant par les contentieux.

Pour un entrepreneur, ce n’est pas “travailler moins”.

C’est multiplier les contrats, la gestion, les transmissions.
Et les frictions et les litiges avec.

Vendre “15h de travail” comme une solution miracle est une mise en scène.

« Extrême droite »

En privilégiant les monnaies privées, une grande partie du secteur bancaire favorise un secteur porté par l’extrême droite.

Aurore Lalucq

On est sorti du droit, et même de la régulation.
On est dans l’excommunication idéologique.

Un stablecoin, une blockchain, un protocole en euro ne sont ni “de gauche” ni “d’extrême droite”.

Ce sont des infrastructures.
Leur impact dépend du design juridique, des garde-fous, de la supervision.

Point.

On peut défendre la souveraineté monétaire européenne en refusant la centralisation absolue autour d’une banque.

Surtout tant que les questions de traçabilité et de surveillance ne sont pas traitées.
Bref, la vraie ligne de fracture n’est pas politique.

Elle est juridique et démocratique : jusqu’où accepte-t-on de concentrer le pouvoir monétaire, et avec quelles protections pour les libertés individuelles ?

La fiscalité maquillée

3,2 milliards de dividendes, moins de 2 % d’impôt, Bernard Arnault paie proportionnellement moins qu’un salarié au SMIC.

Gabriel Zucman

Je refuse qu’on maquille une mécanique fiscale pour produire un effet de choc.

Présenter les dividendes comme “3,2 milliards qui tombent sur un compte avec 2% d’impôt”, c’est travestir la réalité.

D’abord, une partie a déjà subi l’impôt en société.

Ensuite, la part perçue à titre personnel est taxée en Flat Tax, comme pour n’importe quel contribuable.

Le reste remonte dans des holdings avec des mécanismes de report et des contraintes de réinvestissement.

Autrement dit, ce n’est pas “zéro impôt”, c’est un impôt différé, encadré, fiscalement conditionné.

On peut critiquer le système. On peut vouloir d’autres règles du jeu.

Mais si le débat commence par une caricature, on ne fait plus de pédagogie : on fait de la mise en scène.

LES NEWS

L’essentiel de l’actualité juridique.

L’obligation impossible

On a trouvé pire qu’un impôt : une obligation déclarative inapplicable.

Un amendement adopté en commission des finances veut imposer la déclaration annuelle des portefeuilles crypto en self custody dès que leur valeur dépasse 5 000 €.

Même sans vente. Même sans plus-value. Même sans fait générateur d’impôt.

C’est une logique de surveillance patrimoniale qui n’existe ni pour l’or, ni pour les bijoux, ni pour les œuvres d’art.

Sauf qu’en plus, l’administration reconnaît elle-même la difficulté de contrôle.

Elle n’est pas en capacité de relier une adresse blockchain à un contribuable.
Ni pour prouver qu’il en est propriétaire, ni pour valider une valorisation.

On crée donc une obligation qui pèsera uniquement sur les contribuables honnêtes. Les autres ne déclareront rien.

Et c’est sans parler du fait que juridiquement, le sujet est explosif.

L'article 8 de la CEDH impose que toute ingérence dans la vie privée doit répondre à un besoin social impérieux et être proportionnée.

S’y ajoute le droit de ne pas s’auto-incriminer, reconnu de longue date par la même Cour européenne des droits de l’homme.

Or avec cette déclaration, on demanderait aux contribuables de révéler l’existence d’actifs susceptibles de fonder un redressement, voire des poursuites.

La frontière avec l’auto-incrimination forcée est très mince.
Moralité : réguler, oui. Empiler des obligations inapplicables, non.

DSA : 120 millions contre X

Bruxelles sanctionne, Musk crie à la censure, et tout le monde joue sa partition.

Sur le papier, l’Europe ouvre le bal du Réglement Européen sur les Services Numériques (DSA) avec une première sanction “exemplaire” contre X.

Dans la réalité, 120 millions d’euros, pour une plateforme de cette taille, ce n’est pas vraiment dissuasif.

Ce qui est dommage.
Parce que sur le fond juridique, il y a matière.

Bruxelles explique qu’il ne s’agit pas de « censure », mais simplement d’appliquer des règles de transparence parce que :

  • Le registre publicitaire est opaque.

  • L’accès aux données publiques verrouillé pour les chercheurs.

  • La coche bleue vendue comme un gage de fiabilité alors qu’il suffit de payer.

Le DSA peut aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial et prévoir des mesures bien plus dures.

Mais le problème est ailleurs.
L’Europe régule un secteur numérique qu’elle ne possède pas.

Résultat : elle compense son déficit de souveraineté par une surproduction de lois.

Tout ça pour n’utiliser qu’une partie de la puissance qu’elle s’est donnée, de peur d’allumer un conflit frontal avec des acteurs dont elle dépend.

Parce que pendant que l’Europe fait semblant de sanctionner, les Etats-Unis se posent en martyrs de la liberté d’expression.

Quelle marge de manœuvre a une Europe dépendante des infrastructures qu’elle prétend discipliner ?

La fin de l’invisibilité fiscale crypto

Ce n’est pas “contre vous”. C’est systématique. Et c’est ça qui change tout.

Dès le 1er janvier 2026, DAC8 impose aux plateformes et aux intermédiaires liés à l’UE de transmettre automatiquement une liste d’informations au fisc.

Identité, solde, historique de transactions, contrevaleurs en euros, y compris pour des comptes à l’étranger.

Et les bombes à retardement juridiques en cas d’infraction constatée sont connues.

  • Les amendes pour comptes non déclarés vont jusqu’à 1 500€ par compte.

  • Les délais de reprise peuvent remonter très loin selon les cas.

  • Et surtout, le piège du foyer fiscal avec les enfants rattachés qui ouvrent des comptes sans que les parents ne soient au courant.

Il existe des solutions de mise en conformité (droit à l’erreur, déclarations rectificatives, régularisation avant 2026).

Mais ceux qui font l’autruche aujourd’hui ne pourront pas dire demain qu’ils ne savaient pas.

Bref, DAC8 tue l’illusion de l’invisibilité fiscale pour les comptes non déclarés.

Nouveau budget, nouvelles victimes

Un coup de poignard fiscal dans le dos de celles et ceux qui prennent des risques, épargnent et investissent.

Pour ceux à qui cela aurait échappé, les députés ont voté en seconde lecture la hausse de la CSG de 9,2 % à 10,6 %.

Sauf que quand on augmente la CSG, les conséquences sont mathématiques.

Passer de 9,2 % à 10,6%, c’est faire monter le PFU de 30 % à 31,4 % sur les comptes-titres, et les prélèvements sociaux de 17,2 % à 18,6 % sur le PEA.

Et là, qu’on arrête avec le récit “c’est pour les riches”.
Car sont touchés en réalité :

  • Le jeune qui met 50€ par mois en bourse.

  • L’épargnant modeste qui a choisi le PEA plutôt que le livret.

  • Le dirigeant de TPE/PME qui se rémunère en dividendes parce que le coût du salaire est devenu délirant.

Financer l’économie réelle sera encore un peu plus taxé demain qu’hier, pendant que la dépense publique continue à grossir.

LES GUIDES

Chaque semaine, retrouvez nos derniers guides stratégiques.

ETN crypto : enfin accessibles, mais sous conditions strictes

Un tournant qui ne supprime pas le risque principal : l’émetteur.

L’AMF assouplit la commercialisation des ETN crypto auprès d’investisseurs non-professionnels.

Une bonne nouvelle, mais pas non plus une invitation à la dérive.

Un ETN, c’est un titre de créance : vous ne possédez pas directement les actifs, vous êtes créancier de l’émetteur.

S’il fait défaut, vous pouvez perdre même si le sous-jacent existe toujours.
Différence majeure avec un ETF, où les actifs sont cantonnés.

Ce cadre repose sur des conditions.

  • Des sous-jacents liquides (en pratique, Bitcoin/Ethereum).

  • Une structure sans levier.

  • Une réplication passive.

  • Une conservation par un prestataire agréé dans le cadre MiCA.

  • Et des exigences de transparence.

À qui s’adresse ce guide : investisseurs, CGP, entrepreneurs qui veulent s’exposer aux actifs numériques sans gérer la conservation.

Accédez à la vidéo sur mon LinkedIn.

La Cour de cassation durcit la responsabilité des prestataires de paiement

Arrêt du 1er octobre 2025 : un investisseur envoie des fonds vers des plateformes frauduleuses.

Les virements transitent via un prestataire de services de paiement, au bénéfice de sociétés déjà sur liste noire de l’AMF.

Sauf que désormais, la Cour dit clairement qu’une inscription sur liste noire équivaut à une anomalie apparente.

Un prestataire qui ne détecte pas (ou ignore) cette anomalie manque à son obligation de vigilance.

Sa responsabilité délictuelle peut être engagée aux côtés des fraudeurs.
Et les conséquences sont très concrètes.

Pour les PSP, banques, fintech :

  • vérification systématique des listes noires AMF sur les bénéficiaires,

  • revue des relations avec les “partenaires” douteux,

  • documentation et traçabilité des alertes internes,

  • risque contentieux majeur si l’on reste passif face à des anomalies apparentes.

Et pour les victimes :

  • Un nouvel angle d’attaque contre les chaînes de paiement qui ont servi de relais aux arnaques.

  • Une action possible sur le terrain de la responsabilité délictuelle, même si les virements ont été initiés volontairement.

Répondez à ce sondage pour accéder au guide :

À retenir

  • Un slogan n’est pas une réforme.

  • Taxer l’épargne “modeste” reste une taxe.

  • Les obligations crypto inapplicables ne luttent pas contre la fraude : elles punissent les plus honnêtes.

  • Pour les prestataires de paiement, la vigilance devient une responsabilité.

  • DAC8 ne tue pas la crypto : elle tue l’illusion de l’invisibilité.

Vous voulez un point rapide sur vos risques et vos leviers d’action ?

Je prends toujours 30 minutes pour comprendre votre enjeu et vous donner une première feuille de route.

À très vite,
Arnaud

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