Proposer la blockchain comme bouclier de protection intellectuelle est devenu à la mode. Pourtant, entre promesses marketing et réalité juridique, le chemin est sinueux.

Aujourd'hui, on décrypte pour vous ce que révèle une affaire très parlante : AZ Factory vs Valeria Moda.

L’essentiel

  • La blockchain est un outil d’horodatage, pas une preuve absolue de propriété.

  • En cas de litige, elle sert de commencement de preuve, mais ne suffit jamais seule.

  • Les créateurs doivent multiplier les preuves pour être bien protégés.

  • Comprendre ses limites évite les mauvaises surprises devant un tribunal.

Décryptage : l’affaire AZ Factory vs Valeria Moda

Le contexte. AZ Factory, marque de mode haut de gamme, accuse Valeria Moda de contrefaçon : certaines pièces de la marque concurrente présenteraient des ressemblances marquées avec ses propres créations.

La preuve avancée. AZ Factory mise sur un dépôt blockchain pour prouver l'antériorité de ses dessins. L’idée ? Utiliser l'horodatage blockchain comme certificat d'existence.

La réponse du tribunal. La juridiction accepte que la blockchain constitue un commencement de preuve. Mais attention : ce n'est pas une preuve absolue. Pour convaincre, AZ Factory doit aussi fournir des éléments complémentaires (croquis, échanges de mails, prototypes, etc.).

Conclusion. La blockchain est utile, mais insuffisante seule pour revendiquer un droit d'auteur en France.

Pourquoi la blockchain n'est pas une preuve d'auteur en soi

1. Elle prouve une existence, pas une création. Le dépôt enregistre un fichier à une date donnée. Il ne vérifie ni l'authenticité de l'auteur, ni l'originalité de l'œuvre.

2. Le pseudonymat pose problème. Sur une blockchain publique, l'identité du déposant est souvent masquée ou difficilement vérifiable. Qui dit que l'auteur réel est bien celui qui a fait le dépôt ?

3. Le risque de dépôts frauduleux. Rien n'empêche quelqu'un de déposer sur la blockchain une œuvre volée à autrui pour revendiquer une priorité.

Comment bien utiliser la blockchain pour vous protéger

1. Choisissez une blockchain fiable et reconnue. Privilégiez des solutions ayant une réputation sérieuse (ex : Ethereum, Tezos) et qui offrent des services d'horodatage documenté.

2. Associez votre dépôt à votre identité. Utilisez un service qui relie clairement le dépôt à votre nom ou à votre entreprise (par vérification KYC, signature électronique, etc.).

3. Ne vous contentez pas du dépôt. Créez un dossier complet :

  • Ébauches et croquis datés

  • Échanges d’emails avec partenaires, fournisseurs, collaborateurs

  • Versions intermédiaires des créations

  • Références à vos œuvres sur des canaux publics (sites web, expositions)

4. Rafraîchissez régulièrement vos preuves. Un seul dépôt initial n'est pas suffisant si votre création évolue. Pensez à redéposer les nouvelles versions importantes.

Cas pratique : comment AZ Factory aurait pu blinder sa preuve

Imaginons un plan d’action à suivre :

  • Déposer les croquis originaux dans un service d'horodatage blockchain, associé à l'identité légale de l'entreprise.

  • Archiver les échanges d’équipe documentant la genèse des modèles.

  • Publier des extraits ou teasers de leurs designs sur leur site avant le lancement.

  • Stocker les prototypes intermédiaires avec des dates certifiées.

Face au juge, AZ Factory aurait alors aligné plusieurs types de preuves cohérentes et datées, renforçant massivement sa crédibilité.

Quelles solutions aujourd'hui pour les créateurs ?

  • Blockchain + Copyright officiel. Déposer une œuvre auprès de l'INPI (ou l'équivalent dans votre pays) reste la voie royale pour obtenir un titre exécutoire.

  • Services hybrides. Certains outils comme Kleros, Arianee ou Ascribe mixent dépôt blockchain et preuves traditionnelles.

  • Dossier de preuves intelligent. Penser à votre "capital preuve" comme un dossier vivant à entretenir au fil du temps.

Bien utilisée, la blockchain apporte une vraie valeur à votre arsenal de protection.

Mais si vous ne l'accompagnez pas d'autres éléments tangibles, vous risquez de vous retrouver démuni en cas de litige.

Notre conseil : Traitez la blockchain comme un outil de soutien à une stratégie de preuve globale.

Pour en savoir plus :